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Oui mon Général

Une source m’indiquait que Starcraft II était repoussé parce que les campagnes solos n’étaient pas finies. Chez Blibli les producers poussaient pour que le jeu multi sorte avant. Sauf que chez le développeur californien ce sont les designers qui ont le pouvoir et ils ont dit aux producers d’aller se faire foutre. En gros.

Frappé ces derniers temps par l’évidence: les designers généraux sont les gens qui font le jeu et ceux qui paraissent le moins exister. La réalisation d’un jeu dépend de ces derniers. Mais l’idée de spécialistes et généralistes ne concerne pas seulement le contenu mais également la hiérarchie. Surtout la hiérarchie. Gabe Newell dans une interview accordée à David Perry:

"Specialization and hierarchy are the norms in film production, and are antithetical to what needs to happen in the games industry. The reason for that distinction is that the game industry is more focused on invention than on repeatability/measurability. Programmers that can draw are going to be in much better shape than an animator specializing in putting talking mouths on cats. The solutions of tomorrow are not going to fall into the production or organizational categories of today."

C’est pourquoi la hiérarchie et la spécialisation sont des choses valorisées dans le gamedev français, ce qui n’étonnera personne on adore avoir des machines bien grippées. Ca n’étonnera personne si on a du mal à faire de bons jeux depuis quelques années: les designers généraux sont des empêcheurs de tourner en rond, ils ne rentrent pas dans la hiérarchie bien propre du boss => producer => chef de projet => leads chaque spécialité => peons du dév. Sans compter la différence de statut et tout ce que cela entraine quand on parle d’artistes 3D d’un côté et de programmeurs de l’autre: dans l’industrie du jeu, je considère les deux comme artistes, c’est vraiment ridicule de creuser un fossée au sein d’une profession.

Or que ça plaise ou non, ce sont les designers qui font le jeu. Ce sont eux qui savent le mieux où faire des compromis artistiques et/ou techniques, le genre de chose impossible à faire quand il faut négocier entre un producer qui donne son avis et qui ne bite rien à la tech, un programmeur qui n’a pas d’avis et pour lequel tout est possible, un designer spécialisé qui veut l’absolu et ne veut rien comprendre aux contraintes techs, et un boss qui veut le tout pour hier et qui ne comprend rien du tout de tout ça.

Le designer général sera le mieux placé pour jauger ce qui doit être fait. La contrepartie est qu’il fout un coup de botte dans la fourmilière bien rangée de la sacro sainte hiérarchie si chère aux yeux de beaucoup de décisionnaires.

Ca marche très bien à petite échelle et en fait c’est carrément non-négociable: si le game designer doit dessiner et coder, il le fera (World of Goo). Si le coder doit game designer et faire du marketing, il le fera (CrayonPhysics, z’avez remarqué comme son site est super vendeur ? le gars est un Général), etc.

Comme le dit Eskil:

"The opportunities you don’t get, you have to make. If it needs programming ill learn how to program. Recently I had an argument with a designer, who claimed that if he learned about the technical details it would "taint" his vision. To me getting down and dirty, earns respect and to gain knowledge will open your mind not close it."

Je ne gagne pas de respect à savoir mettre les mains dans plein de trucs, je gagne surtout mon étiquette de nerd/pompier. C’est là tout le problème, les généraux (en tout cas en France) ne sont pas respectés, même quand ils font preuve de savoir et de solutions. Peu importe le résultat je veux dire, ils bousillent la hié-rar-chie. C’est ça qui compte.

L’industrie du jeu à ses spécificités et est très exigeante. Il est quelquepart intéressant de voir des équipes calquées sur l’industrie du film depuis qu’on a de la 3D, alors que les jeux faits en 2D (durant les 90s ou ces derniers temps) sont bien plus proches des métiers du jeu avec des codeurs qui dessinent, des graphistes qui scriptent etc. Des gens qui veulent aller dans une direction, celle de faire "un autre jeu" et qui pour celà auront besoin d’apprendre et pas seulement d’utiliser un soft de création numérique et basta.

Dès lors je ne crois plus qu’on puisse travailler pour l’industrie du jeu et d’autres industries du divertissement. C’est un investissement beaucoup trop sérieux et qui ne sert pas vraiment encore aux autres industries…

Raph pense au final que les designers doivent savoir un maximum de choses, savoir faire un maximum de choses en ayant toujours en tête ce que le client final a besoin, ce qui va le faire rester scotché.  En gros avoir un petit côté marketeur.

J’arrête pas d’essayer d’avoir cette rigueur et j’ai vraiment hâte de bidouiller des prototypes… Mot de la fin par Eskil "le ouf du Grand Nord" Steenberg (vidéo de son jeu qu’il fait tout seul, Love):

"My thoughts are often complex, even convoluted, and it requires real effort to communicate, to the point that I even hide my thoughts for fear of being misunderstood, and choose to execute myself.

Any talent I have as a leader are subdued by my doubt that any one should follow. I have never been a follower, so how could I ask any one to follow me? Why should others devote their life’s to my dream when they can devote it to their own dream. It is a valid question, but the answer is simple: We may share dreams."