La musique bouge en ce moment. Il y a eu beaucoup de bruits autour de Deezer. Je vois pas trop pourquoi vu le choix limité (je tape un petit DJ Premier et je me retrouve avec une intro et une outro) et la qualité qui est celle du stream (cad pas de qualité en fait) si ce n’est qu’on est trop fier que ce soit français et tout.
Il y a le grand groupe Radiohead qui sort son album sans prix. La RIAA qui a obtenu la condamnation de Jammie Thomas -premier procès gagné youhou-, jeune femme ayant utilisée Kazaa et partagée 24 chansons litigieuses. 220 000$ de dommages et intérêts pour ces crevures mondiales (poursuivie par EMI Angleterre, Vivendaille France, Sony/BMG Japon Allemagne et Warner pour les US). Si vous voulez lui filer deux euros, c’est par là.
Sachant que la totalité des ventes d’iTunes et de toutes les offres légales confondues ne représentent qu’une infime partie des échanges musicaux sur le net, l’industrie a perdu et vous public, si vous voulez vraiment aider les créateurs, les artistes, arrêtez de sucer la queue de Steve. La musique est (quasi) gratuite. Michael Arrington a raison (en français).
Je suis audiophile, j’adore la musique. Le p2p a trop changé ma vie et je me souviens me dire en téléchargeant mes premiers titres avec joie "mais de l’autre côté, pour le créateur comment ?..". En tant que créateur j’ai simplement copié mon mode de consommation, parce que ce n’est pas possible de ne pas être cohérent sur le sujet (les trous du cul des maisons de disque ou d’artistes qui n’ont jamais téléchargés -et appréciés cela- sont de sales menteurs). Je fournis du gratuit, en qualité max, de façon propre depuis peu avec mon flux rss.
Je défendrais toujours le p2p, en tant que consommateur et créateur. Le contenu est absolument imbattable (une petite recherche sur DJ Premier et j’ai à peu près tout ce qu’il a fait ou fera; j’ai téléchargé la semaine dernière une trentaine d’albums de funk jamais sortis en CDs) et le sera pour toujours. Pourquoi ? Regardez ce qu’est le modèle économique de la musique aujourd’hui et avant:
Un beau bordel
Conséquence: les maisons de disques ne seront jamais en mesure de pouvoir mettre un catalogue concurrent du p2p. Il y a beaucoup trop d’intermédiaires, il y a beaucoup trop d’exceptions: imaginez vous êtes Universal et vous voulez mettre le catalogue d’un artiste en ligne.
Il faudra dealer avec les producteurs pour une partie du catalogue, dealer avec la veuve du fils illégitime qui a récupéré les droits sur l’early period de l’artiste, dealer avec un personnage qui attaque tout le monde en justice pour plagiat sur les paroles d’une chanson. Se cogner la SACEM et autres taxes. Bref, c’est juste zimpossible. Ingérable.
Aujourd’hui le schéma est beaucoup plus simple:
Déjà mieux
[Schémas tirés de l’étude sur le peer2peer de Tariq Krim]
En fait c’est encore plus simple que ça. Le nuage p2p au milieu, d’un côté le client, de l’autre le producteur/artiste. Il est stupide et aberrant de diviser ces deux rôles: tout le monde peut produire aujourd’hui. Le ticket d’entrée est ultra bas. Ah oui et on vire ad vitam eternam la gestion collective. Je n’ai pas confiance envers les gens faisant ce job et dans un monde numérique, les abus seront encore plus faciles (avez vous idée où part l’argent taxé sur les supports vierges ? moi non plus) alors la SACEM c’est le moment d’aller dormir.
On se retrouve dans un monde libre et acharné. Tiens ça me fait penser aux logiciels. Quelle économie dans le logiciel pour les p’tits indés ? Le shareware. Bon il y a des pour et des contre (beaucoup n’en n’ont jamais vécu, d’autres ont bati toute leur fortune dessus) mais je crois que dans le cas du soft, les gens n’ont pas de pitié, ce n’est pas "artistique". Dans le cas des arts, le comportement des gens est très différent: ils se sentent faire partie d’une communauté et acheter directement à l’artiste c’est pas seulement intelligent, c’est "hype". Payer un développeur de soft dont on peut trouver l’équivalent en gratuit, c’est "lame". "L’équivalent" en musique, ça n’existe pas vraiment…
C’est pourquoi je suis curieux de voir comment l’affaire Radiohead va tourner. Bien sur vu le coût de prod du package ++ Premium, ça m’étonnerait qu’il fasse du bénef et c’est un groupe qui de toute façon s’en fout aujourd’hui. C’est d’ailleurs un peu le problème de ces stars (Prince qui file son album gratuitement tout en poursuivant Youtube, le boulet): ils se contrefoutent du business, ils sont sortis d’affaire.
Ce n’est pas pour autant que la musique n’a plus de valeur. Au contraire, une étude (impossible de remettre la main dessus) montrait que la musique est le média dont les jeunes pourraient le moins se passer. Là où Michael Arrington se trompe un peu à mon sens:
First, other revenue sources can and will be exploited, particularly live music, merchandise and limited edition physical copies of music.
Le live, c’est hyper dur d’en faire du profit. Trouver des lieux est difficile, avoir un groupe qui tienne la route est difficile, se taper 300 dates par an pour avoir un statut et pouvoir vivre des concerts est extrèmement difficile. Les éditions limitées, qui à part des superstars peuvent se le permettre ? Personne. Effectivement il y a énormement de concerts ces dernier temps et d’ailleurs, les prix ont augmentés simple règle d’économie… Les concerts de monuments de la musique à 20-30 euros, ce sera bientôt du passé.
Second, artists and labels will stop thinking of digital music as a source of revenue and start thinking about it as a way to market their real products.
L’ennui c’est que les vrais produits sont aussi de la musique. J’ai bien compris le coup de la pub (et c’est pour cette raison que je préfère en faire en mp3 VBR plutôt qu’en stream à 24Kbps) et je conçois mes morceaux comme de l’extrait de catalogue, extraits de mes pouvoirs soniques (pourquoi je me vois avec une cape et une combi’ là). Et surtout, je n’ai jamais pensé pouvoir vivre uniquement de cela.
Le fait est qu’aujourd’hui la musique n’a que très peu de valeur: choix hallucinant, concurrence avec les autres médias, écoute dans des casques pourris au milieu d’environnements bruyants, écoute via le PC bruyant bref on ne sait plus vraiment l’apprécier. La musique est super écrasée, ne respire plus, on la zappe, on la met en boucle, on l’accélère à outrance. On la sur-consomme. Impossible d’y étiqueter un prix juste, arbitraire.
C’est pourquoi après des années à faire de la musique (j’ai uploadé plus d’une heure de musique faite avec mes petits doigts pas boudinés, juste pour vous, tout gratuit) et à en écouter je ne vois pas d’autres solutions que de faire confiance aux gens. Tu écoute mon son très régulièrement, tu aimes ce que je fais, tu sens le potentiel ? Parle moi. Donne moi des sous. Parle de moi autour de toi. C’est exactement ce que je fais pour les services que j’utilise: je donne mon avis sur ce qui pourrait être mieux, je paie et étant satisfait, j’en parle autour de moi que ce soit Numéricâble, Picard surgelés ou le restau chinois de la Croix de Chavaux qui fait des bobuns à tomber par terre (ouais il est midi, ça se sent).
Plus le monde s’ouvre, moins on peut tricher (la gestion collective et la redistribution, le prix des CDs actuels sont de la triche) mais plus on peut y gagner: je vois le dernier album de Meshell par exemple, artiste que j’aime beaucoup. 22 euros prix vert à la Fnac. Jamais vous m’entendez, jamais. J’ai l’argent, j’ai vraiment envie de l’acheter, je suis pas un étudiant sans le sous mais à ce prix, NO WAY. Parce que Meshell touche toujours ses 4% par disque et que l’extra d’argent va directement dans les poches de ceux qui apportent le moins dans l’histoire: les intermédiaires. Sur Amazon je ne l’aurais pas tout de suite mais pas de soucis, à 14 $ je prends. En attendant, p2pai parce que pour cette artiste j’ai du mal à être patient. J’ai les trois quarts de sa disco achetée, et tout ce que je peux trouver sur le net d’elle. Et cela va de soi, je n’achète(rais) pas (jamais) des fichiers compressés. Audiophile je l’ai dit.
Parce que Meshell comme beaucoup d’artistes a vendu son âme à une maison de disque et lui doit donc un certain nombre d’albums, elle ne peut pas vendre sa musique. Or c’est vraiment ce que je voudrais: lâcher les 22 euros exigés par la Fnac directement sur le compte de la miss. Et qui sait, recevoir un mail de remerciement. Il faut encourager cela.
Tout fan de musique rêve de relations de ce genre avec ses chouchous. It’s up to ALL of US (pouvoir au peuple blabla toussa).