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Warren VS Will

J’étais parti pour commenter une belle interview de Warren Spector de chez Gamasutra et puis l’excellent report d’Alice sur la keynote de Will Wright à la SXSW (un festival sur les médias apparemment très intéressant) m’a énormément fait réfléchir.

Deux approches intelligentes et différentes du game design. Will déteste les histoires. Warren les adore. Warren est indépendant, Will est chez le numéro un mondial du jeu (c’est peut être rien pour vous mais ça veut dire beaucoup). Tout les deux aiment la liberté, le fun et la responsabilité.

Même si je concède que la vision de Will est philosophiquement plus charmante, je ne crois pas au pouvoir absolu de la création de contenu par les joueurs pour le moment. 

J’aime les histoires. Je ne crois pas être le seul à être complètement accroc à une série dénommée Heroes qui grâce à un système d’histoires parallèles riches et bien monté connait le succès que l’on sait, que je peux étendre à l’ensemble du phénomène "séries". Il y a des gens capables de vouloir s’acheter une machine à 600 dollars juste pour avoir la suite (et fin) des aventures de Solid Snake et du dernier Square. Beaucoup d’excellents albums de musique sont des histoires et pas seulement des titres à la suite.

Certes beaucoup de gens sont absolument très heureux de créer du contenu, voir juste de le classer comme dit Will. L’interactivité est l’essence du jeu, okéoké. Mais ça ne suffit pas. Pour la génération née dans les 90s et grandissant dans les 00s avec internet WoW et msn, je veux bien mais pour ceux d’avant -et ils ne sont pas tous morts- qui ont grandit à l’ancienne avec des histoires, eux ont besoin de quelque chose de plus intermédiaire…

Le concept phare de Warren et ses pairs est ce mélange de bacs à sable dans lesquels le joueur possède un maximum de liberté, reliés entre eux par des points de chute du scénario. Un peu comme David Cage et ses bending stories. Mais en mieux :p

Avantages: Le joueur a beaucoup de possibilité d’actions et de fait, son aventure sera différente des autres, même si les points de chute sont les mêmes. Un peu comme un film de David Lynch où il ya des moments-clés où il se passe des choses sans équivoques et d’autres où chacun voit quelque chose de différent.

Deus Ex est basé sur ce schéma. System Shock 1 et 2, le futur Bioshock (peut-être le seul jeu qui me donne envie d’avoir une monstrasse de carte graphique) également. Assez inoubliable comme expérience et surtout,c’est une approche cross-over (média linaire-interactif) réussie (la meilleure recette? Je pense).

Inconvénients: C’est Will qui le note:

"[…] player will actually play a very small percentage of these trees. So this has been the downfall of these tightly topographical branching narrative stories. [They’re expensive and inefficient.]"

C’est vrai. Non je n’ai pas recommençé Deus Ex pour faire autrement dans certains passages mais je crois que cela tient à une chose: le scénario, très sérieux qui parle de conspiration mondiale et de terrorisme. Une fois arrivé au bout, on a pas vraiment envie de recommençer. L’humour pourrait donner envie de se refaire des séquences…

En tout cas c’est ce qui en fait des jeux très complexes à faire: tout les branchements à créer, peut-être pour rien… Pas inefficace (le joueur prend à priori le temps de tester différentes approches, c’est là sa création: c’est fun) mais très coûteux. Le contenu épisodique pourrait résoudre le problème.

Dans sa conférence Will explique pourquoi il est pour lui capital que le joueur soit le plus actif possible (création de ses personnages, de ses histoires) et ne pensez pas que ce soit pour faire des économies de textures et d’objets 3D à modéliser pour EA (la création d’outils de création, c’est tendu du slip comme on dit):

But when we look at games specifically and entertainment in general, games often have this perception of mindless toys, but they can be much more than that. They can help us develop systematic thinking. They can help us build accurate models of the world around us.

Ce qui me fait penser à une tirade récente de l’ami Greg:

I want you to imagine a world in which the common person is no longer ignorant of economics, physics and the functioning of the environment–things which are themselves interactive systems –because they have interacted with them in the form of games.

Je peux dire que je fais parti d’une génération ayant connue Sim City pré ado et qui a donc, travaillé sa logique sous la forme d’un jeu de gestion sur PC. L’apprentissage et le jeu sont intrinsèquement liés… Mais l’apprentissage devient métier, qui redevient finalement apprentissage ce qui du coup fait qu’on "joue" toute la journée (vous me suivez ?).

J’ai l’impression que plus ce boulot, ce "jeu" dans la vraie vie nous plait, nous possède, plus on a besoin de rails (rollercoaster, of looove) pour se détendre, d’histoires. Pas forcément constantes, mais belles et bien là avec leurs lots de choses que l’on sait un peu d’avance, qui nous rassurent (contrairement à l’interactivité apprentissage expérimentation qui n’offrent que l’inconnu). Et c’est là qu’on retrouve Warren.

Des problématiques réelles du jeu et de son futur, assurément. Pas de soucis, on a des pointures sur le coup.