Categories
Me Myself&I

Le monde tourne mal partie III: Les générations

Ou les frictions spacio-temporelles inter-générationnelles.

(ouais attache ton slaïp, c’est parti pour de la tempête de cerveau; première partie les meufs , deuxième partie les mecs içi; post tapé en octobre et remanié now)


Vieillesse et jeunesse sont dans un bateau… 

En écrivant cet article je me suis rendu compte que ces questions de générations étant fortement ancrées dans l’espace et pas vraiment déplaçable à l’envie: chaque pays à son histoire et sa version des liens entre les anciens et les jeunes. Ce que je décris est du coup valable pour la France mais pour les autres ce doit être différent.

Néanmoins s’il y a bien un paradoxe partagé partout dans la vie sociale occidentale c’est bien celui là: l’enfant, la génération future est intouchable et au dessus de tout: règne de l’enfant-roi, crystallisation de son pouvoir à travers la condamnation sans faille de la pédophilie et même sans aller si loin, de la fessée. Pourtant les enfants on les entube tout le long de notre vie avec le sourire. Parfois à la moyenâgeuse avec pince monseigneur rouillée. Pas directement non… De manière invisible, latente et visqueuse.

10 ans… 20 ans… 30 ans… A chaque dizaine la naïveté diminue tandis que l’empathie suit le même chemin. On vit avec les siens, c’est à dire plus ou moins ceux de notre génération, un peu au dessus et un peu en dessous. En général ça s’arrête là, sauf exceptions bien sur. Au début de notre vie c’est encore plus violent puisqu’il arrive qu’à l’école on ne parle même pas à la classe d’à côté.

Pourquoi est ce qu’il est si compliqué de maintenir des relations inter-générationnelles ?

Je pense qu’on est très mal préparé d’une manière générale à l’âge adulte, cet âge où on comprend vraiment ce qu’est la désillusion. Qu’en y entrant c’est souvent assez douloureux: si on a pas été déjà un peu dégoûté par les précédents des parents, frères et soeurs, toutes les premières expériences les stages foireux les petits jobs nous bouffent nos premières ambitions et volontés d’un monde meilleur: un monde où tout va bien "ouais, mais déjà faudrait que je croûte et que je m’en sorte !" se dit-on.

C’est un premier pas vers le repli générationnel. On s’assoit entre personnes d’à peu près le même âge et on se dit "monde de merde", par dépit et en se disant que ce n’est pas de chance.

Pas si sur. Le monde dans lequel on évolue aujourd’hui est celui que nous ont laissés les générations précédentes. Et qu’ils continuent de nous laisser.

 
Ca a l’air dégagé mais en fait, non. It’s a trap!

Vu qu’on en parle beaucoup en ce moment, pourquoi on se retrouve avec une dette qui a commencé à se creuser en 81 jusqu’à aujourd’hui alors que nous, nés à peu près à cette période ou après on a pas l’impression d’y avoir goûté à ces centaines de milliards ?

Cet argent a servi et sert pour les générations précédentes. Pour nos parents, nos grand parents, on maintient un système qui nous les enfants, nous baise assez royalement il faut bien le dire vu que pendant ce temps là on ne fait rien pour nous (système scolaire non rénové pour le XXIème s., secteurs d’avenir gravement délaissés et j’en passe).

Et ça ne fait qu’empirer mécaniquement.

Exemple avec le marché du travail.

Mes parents ont commencé à travailler fin 70s début 80s. Chômage inexistant. Stabilité directe (mon père a dû acheter sa maison un peu avant 30 ans). Pas de réformes or on savait déjà que les années à venir allaient être euh, moins drôles.

Mon cousin a commencé à travailler début 90s. Galères, petits boulots, chômage en pleine hausse. Stabilité au bout d’un certain temps, achat de maison après 30 ans. Pas de réformes (multiplication de contrats pourris, modifications du CDD bref Tonton fait du trompe l’oeil) mais on commence à se dire qu’il faudrait quand même.

Moi j’ai démarré en 00s. Chômage chronique, concurrence mondiale âpre, contrats aidés inefficaces (emplois jeunes) la totale. Je m’en sors tout juste en travaillant dans un secteur dont le marché a DOUBLE depuis 2000, mon père ne s’en remet pas lui qui a connu le plein emploi. Toujours pas de stabilité et toujours pas de putain de réformes (enfin j’espère que si si si si si).

Pourquoi ? Pour sauver les culs de nos parents -et surtout des adultes qui n’ont pas prévu leur avenir seuls- et les laisser mener une retraite paisible alors qu’ils devraient nous aider -en bossant pour ceux qui ne le font pas par exemple- plutôt que nous laisser crever avec les dettes. Dont on va faire quoi ? Dans la plus grande intelligence, les transmettre gentiment à nos enfants, je suppose. Vous savez, ces être si chers… Comment ça se transmet concrètement ? Par des salaires de merde (et toutes les répercutions que ça implique) et une rigidité économique requise pour palier le soucis de trésorerie afin de faire les chèques pour les papy boomers. Merci les générations des 50s et 60s, merci l’après-guerre d’avoir fait copuler les gens à outrance.

Mais le pire je crois est qu’il existe un espèce de phénomène de compression: du fait qu’on vieillisse par la force des choses, on passe d’une catégorie à l’autre et puis voilà. Problème résolu de lui même. Mine de rien c’est une catastrophe qui nous apporte bien de paradoxes sociaux de ce monde.

 
C’est moi, EMO Y… 

Exemple de compression toujours dans le monde du travail, aujourd’hui j’arrive à m’en sortir en jonglant entre tout les types de contrats nécessaires pour faire mon job. En moyenne en France il faut environ 8 ans pour décrocher son sacro saint CDI. Je suis dans la moyenne et surtout, je me rapproche de la date fatidique: je vieillis, l’expérience s’engrange, je suis de plus en plus séduisant, je risque de me faire chopper en CDI. Mécaniquement encore une fois (c’est pas faute d’avoir essayé entretemps pourtant).

Donc je pourrais tout à fait me dire que je m’en fous grave des jeunes qui comprennent pas pourquoi au bout du xème contrat rondement mené, on ne les prend pas et qui ne se révoltent même plus contre ça d’ailleurs (ce qui est assez peu encourageant). J’aurais même envie de me dire -dans la plus pure tradition française judéo chrétienne- que c’est normal, moi aussi je suis passé par là et que ça me fait plaisir de les voir maintenant en train de ramper et mouiller de stages en stages hahahahahahahahaha.

Sauf que bon… Je préférerais qu’ils évitent cette galère, qu’ils montent leur boite, développent un business et me fassent bosser. Ou que je puisse faire pareil et embaucher des anciens et des djeuns. Plus d’interactivité et moins de friction. Fraternité quoi. Mais les étudiants et les lycéens en cette fin d’année se sont battus pour le statu quo, malgré les avertissements des anciens passés par là (la loi Pécresse est bonne, c’est pas des conneries).

Pendant ce temps une autre génération se plaint pour trois ans et demi de travail en plus. Je suis sur que les fonctionnaires de mon âge ne sont pas aussi à cheval sur ce principe d’acquis que les anciens. Putain j’espère.

 
Cassure inter générationnelle… 

Ca me rend ouf cette absence de respect -dans le sens intérêt commun, pas le respect pour le respect- envers ceux qui ont vécu avant, tout comme comment ces derniers se tamponnent le coquillard de leur lendemain, notre aujourd’hui à nous.

On est tous inter-connecté, il faut en profiter plutôt qu’essayer de lutter contre. Je sais que pleins de pessimistes me diront que c’est une vision kikoololbisous du monde mais ce sont souvent les premiers à pâtir de l’injustice et à jouer les fatalistes (monde2merrrrde) comme décris plus haut. Tss.

Une des tactiques de balayage (afin d’éviter toute "responsabilité personnelle") de ces discussions socio-culturelles est de tout mettre sur le dos des gouvernements successifs. C’est leur faute picétou. Sauf qu’ils ne sont que des interrupteurs, pas très bons en plus et font passer ou bloquent l’électricité qu’est la société, c’est tout. Ou alors on colle tout sur le dos d’une pseudo "déchéance occidentale". Trop facile. J’analyse notre manque de fluidité sociale de la manière suivante:

Les anciens ne veulent plus apprendre. Ils se lassent et se basent sur ce qu’ils savent déjà et qui marche encore à peu près bien (ou le croient). Pourtant la vie évolue et leurs connaissances peuvent être périmées que ça leur plaise ou non. En France (et dans une moindre mesure en Europe) cette génération bo0m a une véritable réticence au changement et à l’évolution. C’est sans doute le plus difficile, c’est vrai. Encore plus dur, changer pour le bien des autres (genre trier ses déchets ou ne pas acheter de vêtements fabriqués par des gamins) alors que ça nous donne du travail en plus.

Ou plus encore, changer sa vision du monde: je vais paraître un peu atroce mais des fois je ne comprends pas comment on peut travailler trente ans dans une société, n’avoir quasiment plus aucune obligation (maison ou enfants) et ne pas avoir prévu -ou ne pas admettre- que le vent puisse tourner (combien d’années qu’on nous parle de mondialisation et de ce qui en découle ?). Trente putain d’ans. Trois dizaines d’années sans prévoir, pour ma génération qui a du mal à avoir de la visibilité sur deux ans qui a dû faire face au sida et qui fait avec, des fois ça parait surréaliste ce manque de flexibilité, ne serait-ce que d’esprit.  

Brouillant encore plus les cartes que les anciens qui ne veulent pas évoluer, les jeunes qui ne profitent pas des évolutions précédentes (parce que oui quand même il y a aussi du mieux à chaque fois mais c’est terriblement mince).


X like…uh…  

Ma génération qui a vécu la chute du mur de Berlin et qui vit au quatre coins de l’Europe voir du monde comprend mieux les enjeux globaux et n’a pas de mal à se fixer sur un axe global-local (plus global que local d’ailleurs vu la séduction économique de la France). Par contre pour les générations d’après 85 j’ai comme l’impression que le sentiment est violent et amer: si c’est la merde en France c’est à cause de la mondialisation, de l’Europe. So fuck them, repli sur nous mêmes. Ou, c’est la merde en France je me casse direct là où on peut bosser avec moins d’impôts merci. 

Je pensais qu’avec une génération élevé aux dvds et au web, l’anglais passerait en seconde langue facilement, que cette génération serait encore plus à l’aise avec l’axe global-local, réduisant les écarts. Pas vraiment. Le sms, la francisation outrancière par peur de perte culturelle (mél, courriel je m’y ferais jamais) la télé aux émissions bien de chez nous (Star Ac, Morning Live haha) et ses stars locales de la réalité ont eu raisons de mes idéaux à la "we are the world, we are the children" façon Daft ou Phoenix. Parce que je pensais que l’Europe aurait envie de se connaitre et de fusionner et que ça se ferait en anglais de course. En fait chacun reste farouchement de son côté du Danemark qui n’a pas adopté l’Euro à la France qui ne lâche rien sur la PAC, jusqu’à la Suisse "je suis au milieu et je vous emmerde". On parle "d’OPA hostile d’un pays étranger" quand une boite italienne veut racheter une boite française, ça aide pas il faut dire. Les médias ont une immense force de sabotage.

Et dire que mon grand-père résistant voulait que mon père apprenne l’allemand "pour en finir avec ces conneries". Et moi en sixième on nous tartinait la face à coup d’Europe bleue étoilée. Les intentions sont là, il faudrait accélérer les actes.

 
"Désolé pépé mais faut que vous partiez"

En examinant les différentes générations françaises aujourd’hui. Mes parents et mon cousin reprocheraient à ma génération d’être une génération de branleurs du travail. Moi je leur reprocherais d’être une génération de feignasses à la formation: changer une habitude pour le meilleur, quand bien même le meilleur est sacrément mieux, mmmh nan je vais faire comme d’hab’. Ce sont eux qui nous ont planté grave dans les réformes, qui fait que maintenant oui elles sont douloureuses, merci les gars d’avoir laissé moisir, merci d’avoir un esprit rigide kikoletkipu. 

Nous (je vais dire 75-85, Wikipédia dit 61-81 dit Génération X) c’est vrai qu’on est pas des enragés du boulot ou disons qu’on module très rapidement mais c’est parce qu’on vous a vu à l’oeuvre les parents. Les copains portugais n’avaient pas forcément envie de se déchirer sur les chantiers comme leurs pères l’avaient fait. Etre en morceaux dans une belle petite maison durement construite après une carrière dans le bâtiment n’est pas spécialement attirant, surtout en grandissant avec Beverly Hills à la télé. Génération cynique ? Tu m’étonnes.

Les générations d’après (85 et + dit Génération Y) n’ont pas ces soucis. Elles apprennent très vite et n’ont pas peur de mouiller le maillot (à condition que ça leur plaise). Ce qui m’intrigue c’est leur difficulté à faire des choix et à prioriser des buts, ce qui semble être leur principal problème. Nées dans l’opulence la plus totale (en termes socios hein), ils sont condamnés à apprendre quelque chose que les générations précédentes avaient par défaut: l’autonomie.

On pourrait se dire qu’on devrait fonctionner main dans la main en exploitant le meilleur de chaque. Les anglo-saxons le font plutôt bien et c’est bien pour ça qu’ils nous niquent tout le temps: ils savent pertinemment que les jeunes savent mieux que les anciens ce qui va marcher demain. Demain qui se construit aujourd’hui. Alors tout le monde sur trois générations, au boulot ! 

La boite dont tout le monde parle Facebook qui fait 100 millions de dollars de chiffres d’affaire avec 50 millions d’utilisateurs, est dirigée et a été créée par un jeune de 23 ans sans doute brillant mais qui sans vieux pour lui donner du blé pour lancer son projet, n’en serait probablement pas là (et en France autant dire qu’il nettoierait encore les chiottes d’un Quick). Sans le lien inter-générationnel, c’est dead. Etsy, pareil. Google (financé par Andy Bechtolsheim, président de Sun et ancien de l’université privée Stanford d’où viennent les fondateurs de Google, on en revient à la loi Pécresse) pareil. Et tant d’autres.

Je pourrais vous parler de PJ Harvey, décollant grâce à sa participation et à son intégration au sein d’un groupe dont les membres avaient tous plus de dix ans de plus qu’elle. 

Je pourrais également vous parler de Dr Dre lancé dans sa carrière musicale par un vieux producteur juif (à gauche en compagnie d’Eazy-E) quasi à la retraite qui s’est dit "ouais, je vais faire confiance à ce type qui fait le guignol avec sa troupe de danseurs aux vêtements multicolores" pour sortir le premier album de NWA (Niggaz With Attitude) et lui payer ses premières avances sur recette. 

C’est énorme sérieux. Imaginez François Feldman produire le premier Ministère Amer et faire la promotion de "Brigitte femme de flic".

Bref la France est vécue (et en apparence vue) comme un pays avec le coeur sur la main et progressiste mais le détail du tissus social français montre plutôt l’inverse et un manque fort de générosité et de confiance envers les autres dans la vie de tout les jours. Avec une dose de mauvaise foi gauloise traditionnelle. et là je suis sur que vous avez des exemples, voilà les miens.


Le chantier en bas de chez moi: toutes les semaines il y a un embouteillage causé par une voiture mal garée. Vous pouvez voir qu’en bougeant ce putain de tas de parpaings, posé là et n’ayant jamais servi en 12 mois il y a moyen de dégager de la place. Vous croyez que les ouvriers l’auraient fait ? Non. Ils matent les voitures faisant hurler leurs klaxons (imagine t’es pressé tu ne sais pas pourquoi c’est bloqué et tu ne bouge pas pendant 10 minutes) et se marrent. Et pourtant c’est pas la place qui manque sur le chantier. J’ai eu idée de les déplacer mais tout seul c’est du boulot alors qu’avec un tracto-pelle ça prend 5 minutes. C’est génial.  

La générosité de tout les jours est vraiment absente. Je repense à samedi en faisant mes courses, 14h, 10 personnes cinq caisses, une caissière. Déjà tu apprécies la générosité et la flexibilité de la superette. Ensuite tu vois les gens (d’un certain âge) râler, grogner et fusiller du regard la seule personne qui travaille pour eux, la caissière (jeune). Tout ces connards sont en plus capable -et franchement c’est sur ce genre de choses que mon pays me rend malade- de prendre leur putain de temps une fois que c’est à eux, genre je suis trop-ma-lin. Aux chiottes le pragmatisme qui consiste à se dépêcher quand il y a du monde peu importe ce qu’on pense ou ce qu’on aimerait faire. Truc de ouf.

Je vois aussi qu’à l’usure, mon père devient comme ça avec l’âge (ça y est il conduit vraiment comme un trou du cul régulièrement). C’est parti pour le repli et la lamentation d’un pays qui part en sucette pendant qu’il fait exactement la même chose…

Franchement, faut qu’on évolue

Liberté. Egalité. Fraternité. Aucune de ces valeurs n’est véritablement en vigueur en France en fait, on se prend pour des gens généreux en donnant au téléthon ou cinquante centimes dans le métro ? On serait des gros menteurs alors ???

La société construit beaucoup de vent. Dans la prochaine et dernière partie de cette aventure intérieure.

 

2 replies on “Le monde tourne mal partie III: Les générations”

Je pouvais pas le rater celui là vu combien de fois ça m’a pourri les oreilles… Merci ^^

Comments are closed.