Exceptionnellement ce post sera écrit en french.
Le gamedev français. Je ne comprends pas ce qu’il s’y passe. Il y a des bons jeux et des jolis succès en France (Soul Bubbles, Dofus, Globz Trackmania Dark Messiah Fuel qui sort bientôt, Edge sur iphone etc), paradoxalement il n’y a pas d’union inter-développeurs autour de ces succès. La seule communication se passe autour de bruits de couloir –en général bien flippants- sur telle ou telle boite.
Cette réflexion vient après la révélation d’un lecteur ;) impressionné par le fait que je lâche tout ce contenu sans retour. Comme mon blog est quasi séparé en deux mylife/gamesgamesgames, j’ai quand même de longs et intéressants articles sur le sujet.
Ce n’est pas tant le manque de retour qui me chagrine, c’est plutôt l’absence de développeurs qui parlent qui me frappe. Ca ne pipe pas mot !
On fait des jeux en France depuis l’aube du médium, j’ai passé une bonne partie de mon adolescence à jouer à des jeux français (Titus..) et anglais si je regarde bien. Resident Evil doit énormément à Alone in the Dark. Another World Flashback sont des références pour de nombreux game designers à travers le monde… J’ai voulu faire ce métier parce que ça semblait non seulement possible ici mais parce qu’en plus il y a avait un sacré niveau et une envie d’aller plus loin chez nous. Très excitant aux premiers abords.
J’ai vite déchanté. Aucune émulsion. Les créateurs originaux de ces titres ont disparu. Ils sont là tels des fantômes à roder d’interviews “c’était mieux avant” à “le futur ça sera ça” mais l’activité et le mouvement n’existent pas ou peu.
On a une soif de hiérarchie c’est dingue. Les “anciens” des 80s et 90s qui ignorent complètement ceux du début 2000 –dont je fais parti- et les ptis djeuns qui sortent de l’école à faire des jeux et pour qui ma génération et celle des vieux complètement autodidactes ont une relation ambivalente à leur sujet (on vomit dessus tout en en faisant pour nombre de professionnels, une grosse source de revenus). L’entraide devrait aller de soi, le passage de savoir-faire évident.
Aucune connexion, aucun effet de réseau. Nada queud, tous les sites du genre ont pourri sur place comme Jiraf par exemple (que je viens d’aller visiter, c’est consternant cf le “programmateur iphone”).
Pareil mon pote, pareil.
Ultra scolaire aussi. On m’a proposé de donner des cours sur le game audio alors que ça faisait même pas trois ans que j’étais dans le milieu. De mon point de vue je donnerais des cours quand j’en aurais fini de faire des jeux et que je pourrais donner de précieux conseils. C’est à dire sans doute jamais.
Entre 2001 et 2003 il y a eu un énorme boom sur le forum de l’IGDA Paris, des réflexions et des débats très intéressants autour du jeu. Il y a six ans, les développeurs de jeux français étaient pleins, on discutait dur il y avait tous les métiers regroupés sur une page web à parler de l’avenir. C’était chouette. Ca a duré trois mois.
Très vite trolls, peines-à-jouir et gros aigris de la mort ont fait couler l’intérêt de discuter. Pareil sur Jiraf, en pire. Nous sommes vraiment des gros cons là dessus on est trop mauvais.
A croire qu’en France on ne parle et on ne partage que pour donner des leçons ou pour dénigrer les autres alors c’est sur c’est pas franchement constructif. A croire qu’on ne comprend pas l’intérêt de l’esprit d’équipe.
Quand je vois la somme de connexions positives que j’ai pu créer en dehors de l’hexagone, sans bouger mon cul de Vincennes, ça me fait halluciner, d’autant plus que mes connections parisiennes tiennent sur une demi main en quasi dix ans. Quand je vois à quel point les américains non-français partagent l’info, que ce soit les blogs des développeurs indépendants qui détaillent leur process de prod ou bien le pdg d’une boite qui donne sa vision de ce qu’il va se passer dans le futur, je suis sans voix. C’est devenu habituel sauf que ce sont des gens loin et qui ne parlent pas ma langue natale. Ne me dites que c’est parce qu’on ne parle français qu’en France. Même entre nous chez nous on ne partage rien à part les vannes sur le gameplay d’un confrère.
Un peu ce style le gamedev français: nasty, mystérieux, trop sur de lui et fumeur de clopes.
Regardez la Suède, ces dernières années la dynamique qui s’est mise en place avec des petits jeunes de 20 ans ravagés par l’acné qui font des jeux, s’entraident en parlant des jeux des autres, montent des blogs et parlent en anglais pour se faire comprendre par tout le monde etc
C’est pas difficile l’anglais, c’est obligatoire dans le domaine donc je vois pas comment les gens arrivent ou ne serait-ce qu’essayent de ne surtout PAS le lire ni l’écrire et d’attendre les trads en français. Cette touffe de poils au creux de la main c’est insane (ça rejoint ce que je disais sur le cd-iii).
Pourquoi est ce que les gens sont des putains de pierres ici ? Moi aussi j’en suis une mais je me soigne même si je fais pas la pub partout de mon blog j’écris suffisamment depuis longtemps pour tomber parfois ici quand je fais des recherches alors… Je tombe sur personne d’autre en dehors des médias web (gamekult et cie).
Je repense aux nombreux mails à des “collègues” du milieu restés sans réponses, même ceux à des compositeurs ou sound designers (une des rares boite à m’avoir toujours répondu illico sans y connaitre aucun contact est Arkane à qui je tire mon chapeau) quand à peu près 100% des mails envoyés ailleurs ont tous reçus une réponse, que ce soit Media Molecule pour bosser sur LBP ou bien chez le mec du FBI, toujours une réponse voir un encouragement dans la foulée.
Jeff Tunnell m’a fait pareil en écoutant mon travail et en en disant du bien. En le connaissant absolument de nulle part.
Je recherche ça, j’essaye encore ici mais les dernières fois où j’ai tendu des trucs de game design à des game designers –Raph Koster, project Horseshoe, Stéphane Bura hey un français qui partage !- les mecs m’ont plus parlé. A croire que quand j’essaie de trouver un terrain d’entente c’est pris pour de la compétition… Je ne sais plus comment réagir moi.
La semaine prochaine, c’est la GDC l’évènement de l’année à San Francisco. Le chapitre européen se déroulera en Allemagne à Cologne.
Il faut qu’on se soigne, vraiment.